Le Duc tente ensuite de convaincre l’autorité royale de l’intérêt d’un tel établissement. Après six années d’argumentation, une ordonnance du roi Louis XVI crée l’Ecole des Enfants de l’Armée à Liancourt. Elle doit dispenser une éducation militaire aux orphelins et enfants de soldats invalides et peut accueillir 100 élèves. Dès cette ordonnance royale, le Duc de La Rochefoucauld Liancourt complète les infrastructures de la Ferme de la Montagne afin de pouvoir recevoir rapidement les 100 élèves prévus ainsi que leur encadrement. L’ordonnance royale nomme également le Duc inspecteur de l’école, le capitaine Roux devient commandant.
En 1788, l’effectif autorisé est augmenté et l’école compte 130 élèves âgés de 7 à 16 ans. Cette nouvelle école donne rapidement des résultats positifs et est citée comme un exemple à suivre, l’idée sera même reprise en Angleterre. Cependant la Révolution Française va bousculer le cours de l’histoire de l’école de Liancourt. Le duc de La Rochefoucauld Liancourt devenu indésirable doit précipitamment émigrer vers l’Angleterre en 1792. En l’absence du Duc, l’école fonctionne encore, le nouveau commandant le capitaine Morieux assurant les fonctions d’inspecteur assisté du lieutenant Lardinois.
Mais la Convention souhaite supprimer les écoles militaires et une enquête est faite sur l’Ecole des Enfants de l’Armée de Liancourt. Le rapport du ministre de la guerre est particulièrement élogieux ce qui permet de sauver l’école. Ainsi un décret de 1795 décide de la fermeture de deux établissements militaires Parisiens et le regroupement de tous les élèves à Liancourt. Cependant la Ferme de la Montagne est trop petite pour accueillir les 400 élèves concernés. Aussi, le même décret réquisitionne le château de Liancourt qui hébergera désormais l’Ecole Nationale de Liancourt.
Le capitaine Morieux est promu chef de bataillon et est confirmé inspecteur. Le lieutenant Lardinois est fait capitaine et le citoyen Crouzet est nommé directeur comptable. L’école va cependant connaître des années longues et difficiles. En effet, le château de Liancourt est délabré, froid. Les magnifiques jardins sont à l’abandon et l’eau croupie des bassins engendrent des maladies répétées chez les élèves et leurs professeurs. La Ferme de la Montagne continue à accueillir les plus jeunes enfants de l’école ainsi que l’infirmerie, l’air y étant plus sain. Ce quotidien difficile pousse le directeur comptable Crouzet à demander en 1798 le transfert de l’école dans un autre lieu.
Il faudra attendre le coup d’Etat du 18 brumaire (9 novembre 1799) qui donne le pouvoir à Bonaparte et permet au Duc de La Rochefoucauld Liancourt de revenir d’exil pour que l’avenir de l’école soit une nouvelle fois modifié. Le Duc demande à récupérer ses biens et appuie la demande de Crouzet. Le 20 juin 1800, Bonaparte prend la décision de transférer l’Ecole Nationale de Liancourt au château de Compiègne.
Le 14 juillet 1800, un obélisque fut érigé à Liancourt, afin de commémorer la prise de la Bastille. La participation des élèves de l’Ecole Nationale de Liancourt à cette fête fut grandiose et l’on peut lire dans les archives de la commune :
"En ce jour donc, le citoyen Liancourt qui n’était plus émigré depuis le 21 avril qui pouvait se montrer au grand jour, pris part à une fête présidée par le citoyen Leclerc. Les Liancourtois, probablement peinés de voir ces 600 élèves quitter leur bourg pour aller à l’autre bout du département, voulurent que cette fête du 14 juillet fut en quelque sorte la dernière où notre Ecole de Liancourt put aligner sa belle ordonnance et ses uniformes impeccables dans les rues de notre ville”.
Le 23 juillet 1800, les élèves de l’Ecole Nationale quittent définitivement Liancourt. Malgré ce départ, le Duc de La Rochefoucauld qui avait fait naître 20 ans plus tôt cette école continuera à suivre sa destinée. Un décret de 1803 l’érige en première Ecole Française des Arts et Métiers puis l’école s’installe en 1806 à Châlons-en Champagne et le Duc est nommé Inspecteur Général des Arts et Métiers. Il le restera jusqu’en 1823.